Suite à la parution dans La Gazette de la lettre ouverte de Gérard Staumann aux membres de l’association Vivre Montpellier Métropole, les membres de l’association Vivre Montpellier Métropole ont rédigé une réponse, que vous lirez en intégralité ci-dessous, et qui est paru dans La Gazette en partie, à retrouver ici
Cher Monsieur,
Merci de votre lettre et de vos mots de bienvenue. Notre association est encore jeune et nous avons besoin de conseils pour mener notre action, qui prendra probablement du temps.
Quel est le cœur de notre combat ? Davantage de considération pour les métropolitains qui ne peuvent pas épouser aussi facilement que vous les effets de la transition écologique : la brutalité avec laquelle les mesures sont prises et appliquées et le mépris à l’égard de certains ne peut que susciter de l’incompréhension, du rejet.
Vous écrivez à propos de nous « même si vous arrivez bien tard sur ces préoccupations, à savoir cette évolution écologique qui va dans le sens de l’Histoire des Hommes et de celle de la planète » : ne sont-ce pas les pouvoirs publics qui arrivent tard sur cette question et qui, désormais conscients de l’urgence, font peser le poids de la dette énergétique sur des usagers qui, durant les cinquante dernières années, n’ont rien fait d’autres que de suivre les prérogatives des décideurs (acheter une voiture gasoil, trouver un CDI, devenir propriétaire, payer ses impôts…) et plus généralement ont tenté tant bien que mal de vivre ? En habillant leurs enfants, s’habillant eux-mêmes, en meublant leurs maisons, en partant en vacances ? Aujourd’hui on sous-entend par une politique culpabilisatrice injuste que ce sont eux, les usagers, qui sont responsables de l’état de la planète, en omettant qu’eux, les usagers, consomment des produits qu’on leur propose, des produits fabriqués par des industries surpuissantes. Bien sûr que l’usagers a un pouvoir : celui de dépenser comme il le souhaite son billet de 10€, mais l’usager a de moins en moins de pouvoir d’achat, il vit à 100 à l’heure entre son travail, sa vie de famille, ses problèmes, et l’usager parfois est fatigué d’être culpabilisé de détruire la planète. Lui, qui fait ce qu’il peut pour manger bien et pas cher (est-ce possible ?), pour éduquer ses enfants dans un monde de plus en plus individualiste (avez-vous entendu parler de la charge mentale ?) L’usager voudrait tout faire à pied ou à vélo, manger local, bio, et s’habiller avec des vêtement « développement durable » mais parfois, souvent, il n’a pas les moyens. Les magasins bio sont trop chers pour lui, acheter un vélo cargo à 5000€ pour faire Cournonterral (son lieu de vie) – Montpellier (son lieu de travail) chaque matin et chaque soir n’est pas possible, il n’a pas cet argent, et même s’il l’avait, les pistes cyclables ne sont pas là, alors il prend, désespéré, sa voiture, il poste son trajet sur une appli de covoiturage mais personne ne monte avec lui, car changer les habitudes prend du temps. Il faut accompagner ce changement, l’encourager, expliquer, communiquer, se rendre dans chaque foyer si c’est nécessaire, mais imposer un changement radical des habitudes est dangereux, car le risque est d’obtenir l’inverse de ce qu’on souhaite, à savoir davantage de pollution.
Vous écrivez aussi : « Laisser venir un flux excessif de véhicules automobiles au cœur de ville, a fortiori le trafic de transit n’est plus souhaitable » : quelle est-votre définition du trafic de transit ? C’est là où le bât blesse, on est obsédé par ce « trafic de transit » en oubliant que 70% des automobilistes qui entrent dans la ville se rendent… en ville. Non, pas forcément en cœur de ville, mais bien en ville. Pour aller travailler, aller chez le médecin, rendre visite à des amis, et aussi, aller faire du lèche-vitrines dans le centre. Ces 70% d’usagers sont aujourd’hui contraints de faire des détours sans nom. La plupart du temps, ils n’ont pas d’autre choix que de prendre la voiture : parfois ils sont âgés, parfois ils ont trois enfants, parfois ils sont infirmiers à domicile et transportent dans leur voiture leur matériel médical… et même quand ils veulent prendre les transports, on leurs supprime des lignes de bus, on leur parle d’un bus tram qui n’est pas encore en service. « Les gens prendront le tramway » me direz-vous. Et bien non ! Dans leur très grande sagesse nos élus et gestionnaires publics ont simplement oublié d’en entretenir les voies. Aujourd’hui des portions de tramway ne sont plus circulables, ajoutant à l’insécurité la pagaille au détriment de tous. La stigmatisation de ceux qui ne peuvent faire autrement en prenant leur véhicule, transgressant ainsi « l’ordre établi » est symptomatique de la volonté d’écarter de la cité certains de nos concitoyens.
Vous écrivez : « Ne pas le voir aujourd’hui c’est se méprendre sur la capacité d’adaptation future des femmes et des hommes » : Ces femmes et ces hommes du futur s’adapteront, bien sûr, mais dans quel sens ? Une option très probable : rester chez soi quand on habite trop loin du centre-ville, ne plus se déplacer en dehors de son « quart d’heure », recréer de micro-sociétés fermées sur elles-mêmes qui ne voyageront plus que par leurs écrans de téléphone. En ville, il y aura des jeunes qui sont agiles, en forme, qui montent facilement sur un vélo ou supportent bien les transports en commun, mais il n’y aura plus de vieux, ni de familles, le centre-ville sera devenu trop compliqué d’accès pour eux et ils y auront renoncé. Nous avons assisté fin juin aux assises européennes du centre-ville, organisées par l’association « centre-ville en mouvement ». A cet évènement, nous avons noté cette phrase du maire d’Arpajon « ce ne sont pas que les locaux qui font vivre les commerces de centre-ville, 70% des clients viennent de l’extérieur, il y a un enjeu du stationnement et de l’accès ». Le commerce du centre-ville qui en représente l’essence, la vitalité, devrait être l’objet de toute les attentions de nos élus. Pensez-vous vraiment que les commerces de l’avenue Clémenceau vont pouvoir survivre aux travaux des réseaux et du tramway jusqu’en 2025, après deux ans de crise Covid ?
Le combat de l’écologie, pour nous c’est l’équilibre des mobilités et surtout l’équité : chacun est différent, sous-entendre le contraire en mettant tout le monde à la même enseigne aura pour conséquence d’exclure une (grande) partie de la population de la flânerie en cœur de ville à laquelle vous faites si allègrement allusion.
Un échelonnement des décisions serait salutaire. Imposer sans concertation et sans réfléchir aux conséquences ne fait que créer du trouble. Il est grand temps d’organiser, sous l’égide de la ville une véritable concertation sur l’avenir du centre-ville, de son commerce et de sa place au sein de la métropole, sur les thèmes de l’accès, de la sécurité, des animations, des activités à y développer. Pas une consultation Internet jouée d’avance, dont aucun avis n’est pris en compte, mais avec les acteurs qui en font sa richesse. Nous verrons ainsi si la municipalité a réellement l’intention de le sauver.
Les membres de l’association Vivre Montpellier Métropole