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Le centre-ville de Montpellier, un futur désert médical

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Les médecins installés en centre-ville de Montpellier sont en colère. A cause, notamment, des actuels travaux, l’accès à leurs cabinets est de plus en plus difficile, ils craignent que l’offre de santé en centre-ville ne cesse de s’appauvrir.

Ils sont 540 médecins généralistes à Montpellier, une dizaine dans l’écusson, un chiffre en baisse depuis 10 ans. « On est très en colère ». Voilà comment cette médecin du centre-ville commence sa phrase quand on lui demande comment elle vit les actuelles modifications de circulation : « je suis nutritionniste et mes patients qui viennent par exemple pour se peser, ce sont des consultations de 25 minutes, et bien ils mettent plus d’une heure à venir ! Entre la fermeture de certaines rues et celles de nombreux parkings, il y a de plus en plus de problèmes »

Bientôt à la retraite, et vivant dans la maison attenante à son cabinet, cette praticienne ne déménagera pas, mais elle s’inquiète pour l’avenir « les jeunes médecins ne veulent plus s’installer en centre-ville ».

Changement de décor, dans un cabinet de la tour du Polygone, où l’on échange avec Cyril, ostéopathe depuis 20 ans, qui vient en voiture le matin depuis Saint-Martin-de-Londres « quand les patients veulent des rendez-vous à 9h, pour moi c’est 45 minutes de passées dans les embouteillages » mais Cyril ne refuse pas ces rendez-vous, il faut bien travailler. Il a un deuxième cabinet à Saint-Clément-de-Rivière, où il préfère de loin aller, « c’est à 15 minutes de chez moi, c’est plus pratique ». Ce que redoute surtout Cyril, c’est l’exclusion des voitures diesel de la ville « ça c’est une mesure qui risque de me faire abandonner le cabinet en centre-ville, je ne vais pas acheter une voiture à 30 000€ », quant à l’idée de se garer dans un parking en entrée de ville et prendre le tram, ce n’est pas une option non plus « ça prend trop de temps, comme j’exerce sur plusieurs cabinets, c’est trop compliqué sans voiture. »

A quelques étages de là, dans un cabinet d’urologie, on se questionne sur la fermeture du tunnel de la Comédie « quand on explique aux patients comment venir, on leur indique de se garer au parking du Polygone, quand le tunnel sera fermé, on ne sait pas comment ça va se passer… comment nos patients accéderont au cabinet. »

Plus loin, à deux pas de la tour de la Babote, se trouve le centre de radiologie Victor Hugo, dirigé par le docteur Michel Sorrentinella, interrogé sur les mêmes questions, le quotidien des médecins de centre-ville, la facilité ou la difficulté pour les patients à se rendre au cabinet, il répond : « notre groupe d’imagerie médicale est organisé de telle façon qu’un grand nombre de médecins réalisent une ou deux vacations d’une demi-journée. Les médecins sont donc amenés à changer de lieu d’exercice sur une même journée (par exemple notre cabinet de Victor Hugo en centre-ville le matin et la clinique Saint Roch l’après-midi). Sur cette organisation, les travaux ont un impact négatif, notamment dans le cadre de déplacements en urgence). (…) Certaines spécialités exercées à Victor Hugo ont des recrutements hors centre-ville et même hors agglomération et nous avons en effet des avis négatifs concernant la difficulté des accès. Nous avons de plus enregistré il y a deux ou trois mois un ralentissement de la fréquentation sans toutefois l’expliquer. »

De son côté, le docteur Jean-Marc Laruelle, élu à URPS médecins d’Occitanie, dresse un bilan « catastrophique » de l’offre de santé en centre-ville de Montpellier. Médecin depuis 30 ans, son cabinet est situé en plein écusson, Grand rue Jean Moulin : « on se prend des PV quand on effectue des visites à domicile, du coup on en fait de moins en moins, maintenant mes visites à domicile sont uniquement réservées à mes patients grabataires…et puis il faut savoir que SOS médecin ne vient plus depuis en centre-ville, donc si vous habitez l’écusson et que vous vous sentez mal le soir, vous n’avez qu’à vous débrouiller ». Des années que ce médecin de 59 ans demande à obtenir un badge pour accéder au cœur de ville en voiture, on le lui refuse « parce que mon cabinet est au nom de la SCI et pas au mien, aucune dérogation ne m’est accordée. Alors, quand il doit décharger du matériel, il le fait en se garant devant les bornes, très tôt le matin « avant 6h » pour ne pas gêner le kiosque… Pour se déplacer en ville avec les travaux, ce médecin est de plus en plus embêté « avant on avait le droit de prendre certaines voies réservées aux bus, maintenant c’est fini, il y a quelques temps j’ai pris une contravention alors que je roulais rue d’Alger, réservée aux bus maintenant… j’ai montré mon caducée au policier, qui n’a rien voulu savoir… je lui ai demandé « comment je fais avec tous ces travaux pour me rendre chez un patient ? » »

Conséquence directe de cette maltraitance : les médecins du centre-ville qui partent à la retraite ne sont plus remplacés, le docteur Laruelle poursuit « je suis maître de stage et quand les jeunes médecins voient ça, ils n’ont pas envie de s’installer en centre-ville… cinq médecins sont partis à la retraite l’an passé, aucun n’a été remplacé, et je ne parle pas des spécialistes, qui quittent tous le centre-ville pour s’installer dans des cliniques privées qui leur proposent des murs neufs, des places de parking… du coup quand mes patients âgés doivent aller consulter un spécialiste, je leur prescris une ordonnance pour une ambulance. »

Ce que le Docteur Laruelle souhaiterait, c’est de la concertation « les politiques prennent des décisions sans nous concerter, des solutions existent mais encore faut-il du dialogue, moi je suis élu à l’URPS, président de la maison médicale de garde… on ne m’a jamais appelé ». Selon lui, si on continue comme ça on va créer de plus en plus de déserts médicaux « vous connaissez le plus grand désert médical de France ? C’est Paris ! ». Ici à Montpellier, avec les fermetures de parkings, les patients âgés peuvent de moins en moins se déplacer au cabinet… « les patients nous le disent, ils ne peuvent pas se garer ». Quand on lui demande s’il songe à déménager son cabinet, le médecin répond « et mes patients, je les abandonne ? Déjà avec le départ à la retraite de mes cinq confrères, on doit accepter de nouveaux patients, c’est comme ça que je vois mon métier. »

Et quand on lui parle du tram pour se déplacer, le docteur Laruelle répond « on a le tram le plus lent de France, pour une réunion à Lapeyronie je mets 30 minutes en tram ! »

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