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Le tram bus, entre promesses et désillusions

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Leur arrivée à Montpellier est prévue pour 2025, ce sont les tram bus, ces bus qui rouleront sur une voie dédiée pour rallier les villes de la métropole à Montpellier. En place à Nîmes depuis 2016, nous avons enquêté pour en savoir plus sur l’impact des bus tram sur le centre-ville de la cité gardoise.

 

La promesse de la métropole de Montpellier est la suivante : un nouveau service de transports publics 100% électrique, à « haut niveau de fréquence », c’est-à-dire qui proposera des passages environ toutes les 10 minutes (selon les lignes) de 7h à 19h et un service démarrant à 5h jusqu’à minuit. Des temps de trajets garantis grâce à une voie dédiée et une circulation automobile plus fluide puisqu’une partie du trafic auto sera absorbé par les bus tram.

Nous avons voulu tester le tram bus (à Montpellier on dit « bus tram », à Nîmes « tram bus ») à Nîmes pour confronter la théorie à la réalité. Récit. 

Arrivée à Caissargues en fin de matinée. Je me gare au parking de tram bus. Je note que le parking tram bus à la sortie d’autoroute ne correspond pas au terminus de la ligne, qui se trouve un arrêt plus loin et entre le terminus et l’arrêt suivant, la voie de circulation automobile a été réduite, ce qui génère un embouteillage. En somme il y a des bouchons de Caissargues à l’entrée de l’A54…

Je prends un ticket à la journée pour 3,30 euros puis monte dans le tram bus direction le centre-ville. Pas grand monde à bord… Je parle à une jeune femme, qui m’avoue que si elle prend les transports, c’est parce qu’elle n’a pas le permis « quand j’aurais une voiture je prendrai ma voiture, c’est bien mieux ». D’ailleurs les parents de cette jeune fille qui vit en dehors de Nîmes se déplacent en voiture pour venir à Nîmes, pas en tram bus. Quelques minutes plus tard, nouvelle discussion avec une autre passagère. Cette mère de famille, elle, a le permis de conduire mais préfère le tram bus pour aller en ville, ce qui n’est pas le cas de son mari qui continue de circuler en voiture à 100%.

Arrivée en ville en 15 minutes. Arrêt maison carré : à la sortie de tram, une boulangerie. J’entre et je questionne les employés : Océane travaille là depuis 3 ans, elle vient au boulot en voiture ou en moto car elle travaille en horaires décalés, elle commence à 7h. Selon elle le tram amène du monde, mais elle n’a pas de recul car elle n’a pas connu la boulangerie avant le tram bus…

Sortie de la boulangerie, je retourne à l’arrêt de tram bus, et discute avec une dame qui attend le prochain. Elle est mère de trois enfants, femme de ménage et se déplace en tram bus, dit-elle parce qu’elle n’a pas le permis, si elle l’avait, elle prendrait la voiture m’assure-t-elle.

Je descends à l’arrêt suivant « Gambetta coupole », où se trouve un centre commercial. A l’intérieur, j’entre dans une bijouterie. Deux vendeuses travaillent ce samedi et portent chacune un regard différent sur le tram bus :

  • Fanny travaille en centre-ville depuis 10 ans et pense que depuis la mise en circulation du tram bus, moins de familles viennent en centre-ville, « avec le tram bus c’est plus difficile de circuler en centre -ville et de se garer » le ressenti de Fanny est donc que le tram bus a fait perdre au centre-ville la clientèle à fort pouvoir d’achat qui n’emprunte pas les transports en commun. Autre chose : Fanny a noté d’une part qu’il y avait moins de magasins qu’avant en centre-ville, et d’autre part que le tram bus dessert de grosses zones commerciales en périphérie qui ont été trop développés au détriment du centre-ville.
  • L’autre employée de son côté assure que le tram bus draine du monde en centre-ville. 

Fanny résume la situation en une phrase : le tram bus conduit les nîmois vers les centres commerciaux de périphérie (cap Costières) mais pas les gens des villages vers le centre-ville (les habitants des villages prennent la voiture)…

Je ressors du centre commercial et m’insère en marchant dans le centre-ville. J’entre dans un tabac pour acheter une bouteille d’eau et questionne la patronne au passage, quel effet du tram bus sur son magasin ? Aucun me répond-elle, « le tram bus n’a rien changé ».

Je continue mon trajet et arrive dans le quartier de l’Horloge, j’entre dans une boutique de thé où travaillent deux employés. Quand j’explique la raison de ma venue, mon enquête sur le tram bus à Nîmes et reçois immédiatement de vives réactions de mes deux interlocuteurs. Ils sont remontés contre le tram bus. Pourquoi ?  « De Caissargues à Nîmes, en voiture on met deux fois plus de temps car les voies ont été réduites pour laisser circuler le tram bus ! » Les parents de cet employé doivent, me raconte-t-il, prendre leur voiture pour travailler, le père est patron d’une boîte de construction, la mère secrétaire médicale sur plusieurs cabinets du département… Pas de déplacement en tram bus possible pour eux donc. Et le jeune homme de poursuivre « quand on habite hors de Nîmes, il faut quand même prendre sa voiture pour aller jusqu’au parking, pour prendre un bus qui m’impose des horaires et va me déposer dans un endroit où je vais quand même devoir marcher, je préfère venir en voiture et maitriser mes trajets… car j’ai peur des grèves et des retards, je préfère ne dépendre que de moi ». En conclusion, selon ce trentenaire, « de la périphérie, il n’y a pas plus sûr que la voiture pour venir en ville, et puis les nîmois ne sont pas habitués à prendre les transports, pour qu’ils le fasse il faudrait que le tram bus aille plus loin. »

Quant à la circulation automobile en ville, cette autre employée m’affirme que le tram bus n’a rien changé, que le trafic en ville est toujours aussi chargé…

Il est environ 13h quand je me décide à aller déjeuner, je marche jusqu’aux arènes et choisi de m’installer au restaurant chez Hubert, un bistro chic qui propose une cuisine de terroir. Le serveur que j’interroge travaille ici depuis 10 ans et témoigne du fait que la création du bus tram a impacté la fréquentation de l’établissement : la modification de la chaussée pour accueillir la voie de bus tram aurait condamnée 1000 places de parking (nous avons contacté les services de Tango pour vérifier cette donnée)  selon lui, les clients préfèrent les restaurants de périphérie à côté du bowling car c’est plus simple de se garer. De plus, en dehors de l’été, le bus tram s’arrête à 21h me dit-il. Je vérifierais plus tard et découvre que les derniers tram bus sont à 21h, 21h21, 21h39, 22h03, ce qui reste tôt pour terminer une soirée en ville…

Je reprends le tram bus direction Caissargues. A bord, j’interroge deux jeunes : ont-ils le permis ? Une voiture ? Ils n’ont pas de voitures mais l’un me dit que sa copine prend le tram bus en garant sa voiture au parking de Caissargues, l’autre me dit que sa mère fait ça aussi…

Quand le tram bus s’arrête à « Mas de Vignole », ce qui correspond au centre commercial cap costières, 90% des passagers, plutôt des jeunes, descendent, direction la zone commerciale. Aïe. La théorie de Fanny la bijoutière semble se vérifier. Le tram bus amène les nîmois en périphérie mais l’inverse ne paraît pas vrai.

De Nîmes… à Montpellier

A Montpellier le déploiement des cinq futures lignes de bus tram donne lieu à une concertation sur Internet et des réunions publiques. Je me suis rendue à la réunion concernant la ligne cinq qui ralliera Montpellier à Grabels et lors de cette réunion publique, où l’on comptait une vingtaine de personnes dans l’assemblée, Julie Frêche, vice-présidente de la métropole en charge des transports, a exposé le projet de bus tram. Les informations sont à retrouver ici 

Après la présentation, le temps des questions est arrivé, avec plusieurs intervenants qui ont pris la parole à propos de différentes choses liées aux bus tram. Deux interventions ont retenu mon attention, celle d’un habitant de Grabels qui a mis le doigt sur le fait que le bus tram ne s’arrête pas à Grabels même mais dans une zone à l’extérieur de la commune. Autre intervention, autre sujet, le temps de trajet garanti. C’est la promesse du tram bus, un bus qui roule sur une voie dédiée et qui donc ne souffre pas des embouteillages… sauf que sur certains tronçons de son trajet, le bus tram n’aura pas sa voie dédiée, et comme le fait remarquer une participante, comment le tram bus peut-il passer avenue du père Soulas sans voie dédiée et ne pas se retrouver coincé dans les embouteillages ? Réponse confuse de l’équipe d’en face… qui nous plonge dans une nouvelle série de questions…

 

Des questions, quelles réponses ?

Les questions que je me pose suite à cette enquête sont : comment être sûr que les automobilistes vont changer de moyen de transport et accepter de laisser leur voiture au garage pour prendre un moyen de transport qui les oblige à marcher un certain temps et dont le temps de trajet n’est pas absolument garanti ? Comment accompagner ce changement ? Changer de moyen de transport, pour certains, c’est un monde. Un traumatisme presque. Doit-on « forcer » les gens à prendre les transports en commun coûte que coûte ou penser à toutes celles et ceux qui ont besoin de prendre leur voiture, ou ne sont pas encore prêt à passer au tram, bus tram, vélo et créer des accès automobiles supplémentaires (tunnels, ponts) pour drainer le trafic automobile et accepter que sur les quasi 500 000 habitants de la métropole, tout le monde ne souhaite pas se déplacer en transport en commun ?

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